Comment être maçon ?

Si nous voulons être enseignés, touchés par la connaissance, nous devons oublier ce que nous sommes et devenir ce qui est enseigné. Savoir que nous ne savons pas nous permet de ne plus être hypnotisés par notre érudition et nous autorise à accueillir ce qu’une autre conscience plus évoluée que la nôtre a déjà expérimenté. Si nous croyons savoir et voulons rester ce que nous sommes, alors, lorsque nous rencontrons la connaissance, nous demeurons en face d’elle sans qu’elle puisse nous pénétrer. Intellectuellement nous le savons, mais nous ne le vivons pas. Il nous faut disparaître entièrement lorsque la Vérité  nous illumine et être recréés à l’heure même par cette illumination. Mourir n’est pas mourir mais quelque soit le sens de notre mort, quelque soit l’angoisse du passage, de régénération en régénération, de purification en purification, de conscience en conscience, nous abandonnons notre torpeur zoologique pour rejoindre la Lumière infinie, pour devenir Lumière éternelle.


Nul ne peut espérer comprendre la F.'. M.'. s’il ne se pénètre pas d’abord de la signification de la notion de symbole.
A mon entrée en F.'. M.'.,  en tant qu’App.'., je me demandais, surtout au cours des Tenues, à quoi servaient tout ce théâtre et ces mises en scène qui précédaient nos cérémonies. Je restais un peu sur ma faim et plein d’interrogations. Ce n’est que plus tard, par imprégnation que j’ai compris que c’était une mise en condition. Que c’était un langage, une gestuelle qui, parce que inhabituelle, me faisaient oublié le monde profane pour entrer dans un monde sacré. Car il y avait ici une façon de procéder et cette façon s’ancrait en moi par son originalité qui ne dépendait d’aucun mécanisme qui normalement régit nos manières d’être ou de faire. Ces gestes exigeaient une attention particulière. C’est alors que les rites, outils etc. prenaient tout leur sens. Les symboles au contraire me semblaient plus familiers, quoique ?


Dans l’acceptation ancienne, un symbole est une figure qui réunit deux réalités, nous pourrions aussi dire deux pans du réel ou deux mondes. Les anciens entendaient par là le monde de la matière et celui de l’esprit, celui de la Terre et celui du Ciel, celui des réalités manifestées et celui des archétypes, lesquels confèrent, à des réalités, forme, sens et vie. Les Hébreux désignaient le premier monde celui du Ma, le second celui du Mi.


Un symbole comme figure perceptible, quelle soit auditive ou visuelle, ou autre, est donc une réalité appartenant au monde de la manifestation.
La Tradition est constituée par les traces que laissent toutes les expériences vécues par les Sages à travers les âges, à travers l’histoire de l’humanité. Ces expériences qui jalonnent le chemin initiatique personnel ont été codifiées par les symboles et les rites afin d’éclairer les diverses étapes du travail d’éveil, sans priver le postulant de son indispensable expérience. Au contraire les rites et les symboles suscitent l’Etre intérieur personnel, sans endoctrinement, par delà les fonctions mécaniques de la pensée et des émotions de l’homme ordinaire. La F.'. M.'.  permet de découvrir et de vivre la dimension particulière des hommes conscients de leurs responsabilités vis-à-vis d’eux-mêmes et des autres. Pour se faire il faut oser humblement et activement, remettre en question ce que nous sommes, prendre le risque de nous perfectionner, de devenir autre, de nous retrouver dans notre profondeur. La F.'. M.'. ne dispense d’aucun enseignements que nous pourrions absorber par imprégnation, mais elle exige la participation vivante et consciente du F.'. Maç.'. qui expérimente par lui-même les multiples formes du quotidien. C’est en se heurtant aux réalités et difficultés du quotidien que le F.'. Maç.'. acquiert la sensibilité nécessaire à sentir l’éternité dans ce qui n’est pas permanent, je dirais dans l’impermanence. Plus il est assidu, plus il œuvre, plus sa sensibilité s’accroît, plus sa compréhension devient conforme à la réalité.


Dans ses lectures un F.'. Maç.'. peut parcourir son livre une première fois pour comprendre la direction de son chemin, puis reprendre une seconde lecture plus approfondie pour comprendre son propre vécu initiatique et le situer sur le chemin. Enfin lors de la troisième lecture, il se mettra en résonnance avec les mots et les idées pour accueillir en son cœur l’analogie entre le dit et le vrai et ainsi progresser et se faire sa propre opinion.
La tradition maç.'. du REAA donne les moyens d’accéder à la conscience humaine la plus accomplie en nous permettant de nous connaitre, de connaître notre Etre intérieur accordé à l’univers, de comprendre pourquoi nous venons et ce que nous avons à réaliser pour aller où nous devons aller. C’est à cet éveil d’une conscience la plus haute qui entr’aperçoit l’univers caché que nous convie la F.'. M.'. après que la voie ait été ouverte aux divers degrés.
les phrases nous trahissent toujours. Ils ont l’air de nous rapprocher, mais n’ont jamais le même sens intime pour celui qui énonce que pour celui qui les reçoit. Aussi faut-il un long moment avant que la résonnance ne crée l’harmonie.


Cette harmonie n’est pas étrangère à la réalité relative de notre conscience qui anime notre vie et notre compréhension. Ce qui est réel et vrai à un moment donné, aussi bien dans la vie matérielle que spirituelle s’affirme dans un ordre nouveau lorsque notre sensibilité s’élargit et ouvre la porte, donnant accès à une expérience plus vaste.Ainsi à chaque grade correspondent, appartiennent des réalités relatives et à chaque grade correspondent, concordent des interrogations et des réponses qui, loin qu’elles soient de l’ultime vérité, nous rapprochent de la réalité profonde du moment et des étapes indispensables à vivre.


De même l’initié dans son évolution et sa rencontre avec des grandes vérités provisoires, peut emprunter des directions excessives, notamment lors de l’expérimentation d’une énergie spéciale dite divine. Quelqu’un qui se croit tout à coup illuminé, par exemple ! Pour cela, toute sa recherche devra passer par le contrôle, par l’assimilation des symboles.


Le F.'. Maç.'. n’est pas un humaniste par froide raison mais un humaniste de la spiritualité. Avec lui la spiritualité n’est plus affaire d’homme retiré du monde, ni un humanisme, une affaire de philosophe. Mais les deux se retrouvent dans une même sphère pour nourrir l’appartenance de l’homme de façon double: d’une part, elle lui donne sa dimension terrestre et d’autre par elle le relie au monde subtil du haut, la plus noble possible.
La difficulté du combat pour rester sur la voie du juste milieu est telle que ceux qui ont soif de gain, de puissance et de futilité dénient toute valeur à la spiritualité en dénonçant ses dangers de coupure avec une certaine réalité, alors que les égarés ou touristes de la spiritualité dénoncent la toile d’araignée des matérialistes. Les uns séparent complètement la vie spirituelle de la vie laborieuse, les autres isolent le travail manuel de ses lettres de lumière. Ainsi défini les pièges, les uns et les autres n’ont plus à faire d’effort pour œuvrer à leur Temple et aucun ne peut trouver la vérité.
N’oublions pas que les  francs-maçons constructeurs de cathédrale pratiquaient les deux modes dans une même universalité. Tous les chemins initiatiques sérieux considèrent encore comme le fondement même de la vérité le fait que les activités quotidiennes, loin de détourner l’Etre des considérations supérieures, l’insèrent dans le céleste et le temporel. Le chercheur a donc un effort particulier à accomplir pour changer son point de vue habituel et sa manière de penser et de vivre. Il faut absolument oser. Seuls ceux qui osent avancent sur le chemin initiatique.
La compréhension qui introduit l’harmonie entre le ciel et la terre n’est pas exprimable parce qu’elle ne s’exprime pas de manière ordinaire. Le combat, la compréhension, la transformation qui conduit de l’un à l’autre est uniquement une question de ressenti. C’est le secret de la F.'. M.'. pour cause "d’inexprimabilité".Le fait de savoir les fausses attitudes, de les reconnaître en soi, d’accepter d’en être porteur, éveille l’éclairage de la conscience qui combat et tranche en douceur dans le faux ou dans le vrai relatif pour laisser place au vrai universel. La claire vision ou représentation de ce qui provient ou découle de l’homme zoologique se complète par l’homme spirituel.


Nous voyons là apparaître un double combat, d’une part contre les préjugés qui font que l’un des deux côtés de l’homme est rejeté d’office, et d’autre part pour que les deux énergies se retrouvent et s’harmonisent en notre centre.


Il n’existe pas de transformation sans ennemis, sans contradicteurs. Nous ne pouvons devenir justes que dans un combat quotidien pour aimer et créer, malgré les courants ennemis qui s’opposent et détruisent en semant la haine et la colère. Lorsque nous aurons compris comment transformer en nous une agression en mouvement d’accord, nous aurons trouvé comment achever l’élévation du Temple de l’Humanité.
C’est grâce aux difficultés, aux frictions, aux combats menés que nous progressons, sur le plan matériel et sur le plan spirituel. Toute l’histoire de l’humanité est basée, conçue  autour d’un axe d’insatisfaction qui la pousse à acquérir plus de connaissance, plus de technique, plus de facilité à vivre et à conquérir. Il en résulte un perfectionnement technologique extraordinaire, qui augurerait d’une amélioration spirituel si nous mettions le même acharnement à notre perfection et, en plus, nous percevrions cela comme aussi indispensable à notre bonheur.


Grand nombre de peurs, d’angoisses qui se lèvent lorsque nous rencontrons des obstacles, sont dues non pas à la dimension des obstacles, mais à la dimension des problèmes intérieurs que soulèvent ces obstacles. Nous découvrons à ce moment là que nous sommes le principal obstacle à notre perfectionnement et que les obstacles sont à notre mesure. Quelle que soit la dimension d’un obstacle extérieur, il se combat par l’intérieur. Le chercheur doit prendre conscience que, tant qu’il n’aura pas vaincu les ennemis intérieurs, il ne pourra véritablement résoudre ses difficultés extérieures.Quand l’épreuve arrive sur le combattant celui-ci n’accable pas les autres, il se responsabilise et fait face.
Dans ses activités sociales, professionnelles ou familiales, chacun produit ce qu’il est. Le F.'. M.'. conscient de son influence s’engage dans une démarche utile à la société qui l'emploie et à la communauté. Son comportement est le miroir de son Etre intérieur et les personnes négatives lui apportent l’épreuve bénéfique pour vaincre et s’élever dans un combat singulier.


Il est évident que l’initiation maç.'. ne consiste pas s’intéresser qu’aux moments privilégiés de la Voie Royale qui nous séduisent intellectuellement ou émotionnellement, mais à expérimenter chaque étape qui prépare la suivante.
Je dis bien avoir expérimenté et non pas savoir par cœur comme une leçon apprise dans le livre d’App.'. ou de son grade. A chaque jour suffit sa peine à chaque grade suffit son enseignement. Car bien que la F.'. M.'. s’inspire de la philosophie, de lecture ou de légendes, elle est avant tout un travail d’architecture qui se construit avec les outils à disposition. A l’expérience s’ajoute le contrôle par les outils afin d’éviter les réflexes dus à nos réactions automatiques que la mémoire, imprégnée par les faits du passé, nous fait subir instinctivement, machinalement.
Chacun utilisera les outils, les symboles et surtout  les rituels selon sa personnalité, certains sont kinesthésiques et réagissent au toucher d’autres sont visuels et d’autres s’imprègnent petit à petit comme par immersion etc.  La F.'. M.'. ne construit pas pour nous, l’initiation ne fait aucun miracle, il y a une méthodologie, un savoir faire, qui nous vient du fond des âges, expérimenté avant nous et en nous mettant sur ce chemin nous pouvons décider de notre perfectionnement, lent, rapide ou superficiel avec les conséquences qui en découlent.  Respecter le rite et ses rituels n’est donc pas une attitude de soumission passéiste, conformiste ou réactionnaire mais l’expression d’une courtoisie vis-à-vis des autres chercheurs, l’expression d’une volonté d’œuvrer ensembles à conquérir la Sagesse, la marque respectueuse d’une confiance en notre avenir par la Connaissance du Rite. Pratiquer la discipline vestimentaire et gestuelle extérieure, c’est aussi montrer une volonté de maîtriser un équilibre intérieur juste et correct dans toutes les situations.
Je conclus ainsi : si nous vivons vraiment nos enseignements initiatiques, cet Art initiatique va commencer par établir un lien de conscience avec notre corps puis du corps avec l’Etre (avec un E majuscule) et enfin de l’Etre avec l’Esprit. A ce moment de maturité humaine nous aurons retrouvé notre connexion avec notre origine supérieure.

Guy, Mai 2010

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